Que nous prépare Dédé ?

Cologne. 27e minute, contre-attaque bleue menée par Martial en 2 contre un, et gérée comme un patron par le grand Teuton Hummels, déjà bourreau de Varane en 2014.
34e minute. Action de grande classe sublimée par ce même Martial, qui n’est pas sans rappeler la pub Nike 1998 (vous vous souvenez dans l’aéroport ?).
Deux moments plus que représentatifs de ce dont est capable l’équipe de France sous l’ère Deschamps. Alors, dans quel état d’esprit et avec quelles (in)certitudes partir à Moscou cet été ?

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C’est un fait, depuis plus de 11 ans maintenant, et la finale perdue face à l’Italie, les émotions (positives !!!) fournies par l’équipe de France se comptent sur les doigts d’une main : l’égalisation de Giroud en Espagne en 2012, le retournement de situation face à l’Ukraine en 2013, la « démonstration » en poule (oxymore footballistique) face à la Suisse en 2014… Pour le reste on repassera. Et l’Euro 2016 me direz-vous ? Il ne s’agit ni d’un oubli ni d’une volonté de se la jouer provoc comme certains chroniqueurs du PAF. Non, l’Euro n’est pas une réussite, non il n’a pas fait vibrer la France du foot. En réalité, seuls les novices (appelés communément footix) ont vécu cette compétition avec émoi, la faute à une Deschamps touch’ au mieux rigoureuse tactiquement, au pire ennuyeuse à en mourir ne pouvant être jugée que sur le tableau d’affichage. Un coach d’une autre époque en quelque sorte.

À la tête des Bleus depuis 2012, après la grève de Knysna et la piteuse image laissée par la génération 87 lors de l’Euro polonais, DD arrive dans un contexte délicat et a pour but prioritaire de redorer le blason du foot français vis-à-vis notamment du grand public qui s’en est détourné pour des sports comme le rugby ou le hand démontrant les fameuses « valeurs » du sport. Force est de constater que malgré des résultats compliqués et une qualification aux forceps pour le mondial brésilien, les bleus ressortent de la CDM 2014 avec un jeu pas forcément apprécié des footeux, mais une image plutôt rafraîchissante et un attrait retrouvé des Français pour son équipe nationale à deux ans de « son » euro. Toutefois, l’image ça va un temps mais n’oublions pas que nous parlons ici de l’équipe de France, double championne d’Europe, championne du monde, avec des joueurs ayant fait l’histoire de ce sport (Zidane et Platoche en tête) et une qualité de jeu parfois proche de la perfection, notamment sous Michel Hidalgo et son célèbre carré magique. La deuxième phase du projet Deschamps est donc d’obtenir des résultats concrets tout en démontrant une qualité de jeu plus séduisante. Malgré une finale à l’Euro, le jeu n’a guère évolué. Pis, il reste dans l’incapacité à tracer une ligne directrice à son équipe. Le problème n’est pas tant de jouer un jeu léché ou au contraire de mettre en place un bus digne des plus grandes heures du catenaccio italien.

Dans un passé récent, des équipes comme l’Italie 2016 ou l’Uruguay 2010 n’étaient pas, au sens strict du jeu, les meilleures formations. Mais avec un jeu rudimentaire, sans grande innovation et une débauche d’énergie impressionnante, elles ont réussi à gagner les cœurs, à marquer les esprits lors des compétitions qu’elles ont disputé.
Cependant de telles équipes pouvaient s’appuyer sur un matériel d’une grande fiabilité (BBC défensive pour l’Italie, Lugano – Maxi Pereira en Uruguay) sans forcément détenir des cracks confirmés dans ses rangs à l’exception de Forlan. En résumé des équipes remplies de testostérone. La question se pose alors des joueurs à disposition de DD.

La France, équipe de « feux follets »

Martial 85 M€, Dembélé 150 M€, Mbappe 180 M€, Pogba 120 M€, Coman au Bayern, Lacazette à Arsenal… Toutes les nations nous les envient, paraît-il même que nous détenons en France les meilleures pépites, nouveau mot à la mode dans le monde du football. Il est indéniable que ces joueurs ont tous quelque chose de différent, un talent pur leur permettant faire la différence à tout moment et débloquer les situations les plus délicates, comme Martial ce soir. Si l’on observe de plus près, ils ont tous comme principale qualité une faculté à éliminer leurs adversaires directs sans pour autant pouvoir poser le jeu comme seuls peuvent le faire Griezmann, Lemar ou encore celui dont on ne peut pas prononcer le nom K. B*****A. Ces profils assez communs apportent donc une limite à la volonté de créer du jeu mais comme nous l’avons dit précédemment, il faut assumer de laisser le ballon à l’adversaire tant que l’idée de jeu est cohérente. À la manière du PSG sur certains grands matchs avec la MCN, jouer en contre serait une possibilité intéressante, surtout avec les feux-follets qu’il y a devant. Encore faut-il pouvoir assumer de subir et donc avoir des tauliers en défense et au milieu de terrain.

 

C’est là que le bât blesse. À l’exception de Ngolo « Dendé » Kanté, valeur sûre du milieu des bleus et des blues mais en manque de charisme, l’effectif ne dispose pas de vrais leaders pour subir pendant des temps faibles importants sans rompre définitivement, même si la victoire miraculeuse contre l’Allemagne en 2016 s’est construite dans ce sens. Pogba n’a pas encore dépassé le stade du joueur YouTube, Matuidi malgré des débuts intéressants est retourné gentiment sur le banc bianconero avec le retour de Khedira, Rabiot et Tolisso même s’ils sont encore en progrès semblent encore trop tendre pour le niveau suprême. Idem en défense. Si la squadra Azurra a pu s’appuyer sur une défense centrale de bonhomme lors du dernier Euro avec des latéraux très percutant, l’affaire est bien moins ficelée pour nos bleus. Certes Umtiti et Varane réalisent de bonnes performances dans leurs clubs respectifs, mais les deux demeurent toujours des lieutenants de Piqué et Ramos, et n’ont toujours pas l’envergure de patrons de défense pouvant maintenir le navire à flot quand il prend des vagues. Les latéraux, poste ô combien important dans le football moderne reste le gros point noir du réservoir bleu-blanc-rouge : Jallet/Sidibé à droite et Digne/Kurzawa à gauche (en attendant pourquoi pas le retour de Benjamin Mendy) sont loin des standards mondiaux et ne permettent pas d’utiliser les côtés de manière optimale pour alimenter Giroud devant.

Malgré cela, la France a toujours la possibilité de réussir son mondial, de marquer de son empreinte cette compétition, encore faut-il définir ce que sera une coupe du monde réussie ? Que dira-t-on si la France sort en demi-finale avec des matchs bidons type France-Nigéria ? A contrario, si elle est sortie en quart avec une émotion transmise au public à la manière de l’Algérie face à l’Allemagne en 2014, pourra-t-on dire que le tournoi sera raté ? Les bleus doivent jouer leur va-tout, il est trop tard, après 6 ans de travail, pour tenter de mettre en place un schéma pseudo sophistiqué. Il sera très compliqué de gagner la coupe du monde, voire impossible. Il ne faut pas avoir peur de le dire car la peur de passer pour un rabat-joie ou d’être ridicule (cf. jurisprudence Aimé Jacquet/ L’équipe en 98) laisse au contraire la place à une trop grande enflammade dans beaucoup de médias. Typiquement, une victoire ce soir aurait fait passer la France au rang de favoris dans le panel médiatique français. A contrario, il ne faut pas non plus jouer les extincteurs chroniques et ne pas croire en cette équipe. Avec les talents présents devant, la France se doit d’essayer d’emballer les matchs et non de la jouer petit bras en « gérant » et en espérant un coup du sort qui n’arrive probablement jamais dans les matchs couperets. À la manière de la Russie à l’euro 2008, ou du Chili en 2014, la France peut être l’équipe frisson, l’équipe sensation de cette coupe du monde et créer une vraie émulation autour d’elle, même si cela ne ressemble pas à son coach et son pragmatisme limite maladif. Alors DD, lâche les chevaux, montre-nous tes dents, et fais-nous enfin kiffer !

 

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