Que dit le fichage ethnique du PSG sur le foot et la France ?

Il y a deux semaines Mediapart révélait à travers leur enquête sur les Football Leaks que le PSG pratiquait un fichage ethnique lors du recrutement hors Ile-de-France (et en IDF aussi) des joueurs pour son centre de formation. Pour ma part je fus à la fois étonné mais pas surpris quand a surgit cette nouvelle affaire de discrimination dans le foot, je vous explique pourquoi.

Le foot et les questions raciales.

Si on ne prend que les 10 dernières années, on a eu successivement et rien qu’en France, d’abord en 2011 l’affaire dit des quotas en équipe de France. Impliquant notamment des cadres de la FFF ainsi que Laurent Blanc, champion du monde 1998 et sélectionneur de l’EDF à l’époque des faits, c’était déjà Mediapart qui relevait cette affaire, d’abord démenti dans un premier temps avant que le verbatim d’une réunion ne surgisse. Puis en 2014 les propos de Willy Sagnol, ancien international et entraineur des girondins de Bordeaux à ce moment, sur « les joueurs typiques africains ». Ces deux affaires ont été suivi de exactement… Aucune sanction, ni même de conséquence immédiate sur la carrière des personnes impliquées, vaguement quelques excuses du bout des lèvres et pire dans le cas des quotas le lanceur d’alerte a été laché par la fédération.
Alors quand je vous dis que je n’ai pas assez surpris c’est un euphémisme. On parle de discriminations sur des critères raciales, sans même parler du fait que cela soit choquant et de l’énorme injustice que cela représente pour les jeunes joueurs laissés de côté à cause de cette politique, les risques encourus à la fois juridiques, économiques et pour la réputation du club sont énormes. C’est finalement le peu de précaution pris par le PSG qui m’a le plus marqué. Comme l’a montré les affaires des quotas de la FFF et Sagnol, la discrimination touchant les minorités est un sujet qui mobilise assez peu que ce soit les intellectuels, les politiques en dehors des périodes électorales et le grand public. On a eu quelques timides indignations par-ci, des condamnations sans conviction par-là puis les affaires se sont tassées. Pourquoi le PSG s’emmerderait à mettre un système complexe de discrimination pour couvrir ses arrières alors que si ça se sait au mieux on aura une polémique digne d’une tempête dans un verre d’eau ? C’est la première conclusion à laquelle j’en suis venu.

La seconde est que finalement cette pratique est tellement répondue dans le football aujourd’hui que pour ceux qui l’ont mise en place c’était une chose tout à fait normale. Je n’ai pas eu à attendre longtemps avant que ma théorie soit validée notamment par ceux qui ont voulu venir à la rescousse du PSG. Pour Pierre Menes et Daniel Riolo, l’article de Mediapart qui « s’acharne » sur leur club de cœur, est avant tout le fruit de moldus méconnaissant le football professionnel.
Eux le savait déjà, tout le monde le fait, il n’y a pas d’affaire, circulez il n’y a rien à voir. Drôle de défense, et moi qui pensait qu’on parlait d’un sujet assez sérieux pour dépasser nos logiques partisanes de supporters de tel ou tel club ou nos intérêts personnels, trop naïf. La meilleure réponse leur est apporté ici par Michael Hajdenberg journaliste chez Médiapart. Cependant grâce à leurs interventions nous voilà fixé, la discrimination sur des critères raciales n’est pas l’apanage du PSG. On a d’un côté les campagnes de lutte contre le racisme des institutions du football et de l’autre les clubs ayant des politiques de recrutement raciste plus ou moins assumés, on nage totalement dans l’hypocrisie.

La France et les questions raciales.

Au premier abord on peut se demander pour quelles raisons un club qui cherche à être compétitif et former les meilleurs joueurs se priveraient de certains sur des critères extra sportives et par la même occasion s’handicape, ça n’a absolument aucun sens. Mais si on s’intéresse aux arguments avancés dans l’enquête de Mediapart, le PSG souhaite recruter des profils différents de la région parisienne où il y aurait trop de joueurs « africains et antillais ». Des joueurs considérés comme « grands costauds et puissants » inversement aux joueurs blancs plus technique et doté d’une « intelligence de jeu » là tu te dis c’est sérieux ? En 2018 ? Oui mais c’était déjà le cas en 2011 et 2014 dans la bouche de Blanc et Sagnol. Le second argument avancé est qu’avoir une équipe constituée de trop de « blacks » et de « gris » pouvait poser des problèmes de discipline sous-entendu qu’il faut injecter quelques blancs pour civiliser tout cela, en tout cas c’est comme cela que je l’ai compris.

Au moins au ballet de l’opéra de Paris le manque de diversité ne dérange pas.

Pour analyser tout cela je pense qu’il faut sortir du strict cadre du football et regarder la société dans laquelle cela s’inscrit. Le premier argument avancé sur le profil des joueurs noirs est un héritage direct des théories racistes sur laquelle se sont appuyées la traite atlantique puis la colonisation des pays africains. Le noir est considéré comme puissant physiquement, apte aux taches physiques mais doté d’une intelligence au mieux enfantine, c’est peu ou prou encore la vision encore dominante dans le football professionnel. Contre toute logique et des milliers de contre-exemple. Tellement ridicule que le profil de Yann Gboho, le joueur par qui le scandale est arrivé n’entre même pas dans ce cliché. Encore une fois rien d’étonnant comment un pays qui refuse tout débat sur ce passé, son héritage esclavagiste et colonial peut espérer dépasser cette pensée ? On n’en parle pas, ça n’existe pas, on continue la stratégie de l’autruche.

Le second argument, tout aussi pernicieux, est pour moi celui qui en dit le plus sur la France d’aujourd’hui. C’est quelque chose qu’on a tellement intériorisé depuis le plus jeune âge qu’on n’y prête même plus attention. Que ce soit la manière dont on est fiché, surveillé lors des sorties scolaires, les vigiles qui nous suivent dans les magasins, plus tard en grandissant les nombreux contrôles d’identité au faciès subis à l’adolescence et en tant qu’adulte ou encore comment toute tentative d’organisation au sein des différentes communautés qui s’estiment discriminées est aujourd’hui diabolisée comme ça été le cas avec les polémiques sur le camp d’été décoloniale, l’association Lallab ou le CICF . La présence des personnes racisées dans l’espace publique est perçue comme une menace qui est presque criminalisée dans le pays qui se targue d’être celui des droits de l’homme.

En dehors du football les cas de discriminations sur des critères raciaux, ethniques ou religieux sont assez courantes que ce soit à l’embauche, dans la recherche de logementsmême sociaux, à l’entrée des boites, au restaurantPrésent absolument partout  etcette liste est non exhaustive car je pourrais continuer des pages comme ça mais à quoi bon ? officiellement on ne voit pas les couleurs, le racisme systémique n’est qu’une vue de l’esprit, tout va bien au royaume France.

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